Avec le développement du « big data », l’intelligence artificielle a vu son champ d’application s’étendre au transport et à la logistique. Dans ces domaines, données & algorithmes constituent la base des nouvelles solutions de mobilité. Didier Scellier, directeur général de PTV en France, nous propose un éclairage contextuel.

L’IA sous les projecteurs 

Didier Scellier est Docteur en Informatique, spécialisation intelligence artificielle et recherche opérationnelle. Il dirige PTV France depuis 2017Nous avons recueilli son témoignage lors d’une conférence qu’il a donnée au SITL 2019 de Paris.  

Dans son introduction, Didier Scellier constate à quel point le cinéma influencé notre conscience collective avec une image façonnée par les robots. Dès 1968, l’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick dévoile les premiers systèmes d’intelligence artificielle. C’est le début d’un genre populaire qui va connaitre un grand succès, à l’instar des nombreux films de science-fiction qui ont alimenté notre imaginaire : Terminator (1985), A.I Intelligence artificielle de Steven Spielberg (2001), I Robot (2004), Ex Machina (2015), plus récemment lack Mirror, etc., avec cette crainte fantasmagorique de voir les machines prendre un jour notre place. 

Loin du cliché, la réalité est bien plus rationnelle : « L’intelligence artificielle, ce sont avant tout des algorithmes dont l’objectif consiste à reconstruire un mode de pensée, pas uniquement basé sur des algorithmes mathématiques, mais pouvant assimiler et restituer ce qu’ils ont appris de manière dynamique et extrêmement rapide, à la différence de l’humain qui a besoin de temps ». 

Le concept d’intelligence artificielle prend forme au milieu du vingtième siècle. En octobre 1950, le mathématicien britannique Alan Turing signe un article précurseur sous le titre “Machines de calcul et intelligence“. 
Organisé durant l’été 1956, la conférence de Dartmouth dans le New-Hampshire est considérée comme l’acte fondateur de l’intelligence artificielle en tant que domaine de recherche autonome : il s’agissait d’un atelier universitaire réunissant une vingtaine de chercheurs autour des machines pensantes. Présenté lors des travaux, le programme informatique LOGIC THEORIST, capable de de démontrer des théorèmes mathématiques, est le premier véritable programme d’intelligence artificielle reconnu à par la communauté scientifique. C’est également pendant cette conférence que l’expression « Artificial Intelligence » inventée par John McCarthy, pionnier en la matière avec Marvin Minsky, est adoptée comme terme générique. 
Bénéficiant d’une image favorable, cette discipline naissante était perçue aux États-Unis comme le secteur phare des prochaines décennies mais les applications se limitaient essentiellement à des problématiques d’analyse, des traitements comme le traitement automatique des langues, et les jeux d’échecs très à la mode dans les années 60.
Les premiers systèmes experts et heuristiques  se développent à partir de 1980 mais il faudra attendre les années 2000 et la puissance des moteurs de calculs pour que se démocratisent les premières solutions applicatives basées sur de l’intelligence artificielle: data mining, diagnostiques médicauxoptimisation de tournées 

Aujourd’hui, avec le big data et le flot des nouvelles technologies Iot, l’IA est une lame de fond qui se propage dans tous les secteurs d’activité et ne semble ne plus avoir de limites. 

L’intelligence artificielle se nourrit de connaissance 

« L’IA c’est avant tout un apprentissage, l’apprentissage c’est la connaissance et la connaissance ce sont les données injectées dans nos systèmes ». Plus on va multiplier le contenu, plus on va multiplier l’information, plus les machines seront capables de les intégrer et plus elles seront capables de les interpréter « donc il est fort probable qu’à terme, nous devrons mettre en place un certain nombre de garde-fous pour éviter toute dérive ». 

C’est dans le domaine de la consommation grand public que l‘intelligence artificielle va révéler son potentielauprès des enseignes notamment avec le développement des cartes de fidélité : « la collecte massive de données a rapidement permis d’appliquer une multitude d’analyses de comportements, favorisant la mise au point d’algorithmes toujours plus performants »
Depuis, le web, les réseaux sociaux, les sites marchands, la digitalisation croissante des usages ont transformé la « data » en carburant de la relation entre entreprises et consommateurs. Nous sommes entrés dans l’ère de la data science. 

Paradoxalement, c’est par manque de données mais aussi de maturité digitale de la part des organisations, que l’intelligence artificielle a pris plus de temps pour s’imposer dans les processus B to B 
Aujourd’hui, dans le transport et la logistique, la situation a évolué avec la transformation digitale opérée par les grands groupes du secteur. La data occupe aussi une place centrale : grâce aux systèmes d’informatique embarquée, on collecte déjà depuis les années 2000 de la donnée terrain et toutes ces informations alimentent des systèmes d’information qui, de fait, ont accéléré la mise en place des solutions d’intelligence artificielle pour analyser l’activité et en tirer un certain nombre d’actions ou de conclusions. 

Les perspectives de l’IA dans le transport et la logistique 

Parmi les tendances qui se dessinent, le thème des véhicules autonomes devrait cristalliser une attention croissante. Au-delà du challenge technologique et des exigences de sécurité, les constructeurs et entreprises impliqués vont devoir s’affranchir de freins sociétaux dans un cadre légal qui reste à définir. 

Une voie d’exploration concerne l’optimisation des entrepôts et la manière dont on les agence.  La société française MDB-SCS propose depuis plusieurs années une solution optimisant l’implantation des produits dans le picking, de façon à réduire à son minimum les déplacements des préparateurs de commandes. Plus récemment, Amazon a réalisé des tests aux US qui consistaient de la même manière à organiser son stockage non plus en fonction des typologies de produits mais en fonction de la manière dont les gens consomment. 

Grace à l’intelligence artificielleles opérations de maintenance seront sous contrôle : avec la possibilité d’analyser tout ce qui peut se passer dans les entrepôts et sur les chaînes de production grâce à une multitude de capteurs, afin d’anticiper les risques de casse et les risques d’interruption de service. On passe à une logique de maintenance prédictive limitant considérablement les incidents et les actions de maintenance curative. 

L’IA, ce sera aussi la possibilité de bénéficier d’une meilleure prévision des volumes à livrer : les estimations ne sont plus uniquement faites sur des problématiques de saisonnalité : on va être également capable d’intégrer des notions météorologiques, des critères de jours de congés et de RTT, des changements sociaux, etc.  

Enfin, côté mobilité, l’intelligence artificielle va également toucher la reconnaissance de parcours préférentiels et l’optimisation de tournées, des domaines d’expertise dans lequel PTV possède quelques arguments. 

Données & algorithmesconstituent la base des nouvelles solutions de mobilité 

L’expertise de PTV Group se traduit sur le terrain par sa capacité à combiner de l’intelligence artificielle avec un grand volume de données : « Nous sommes éditeur de logiciels dans le domaine de la mobilité et nos outils vont permettre à nos clients de modéliser, de simuler, de planifier, de prédire, puis de suivre et de contrôler leurs opérations en temps réel. (Lien vers sujet « capitaliser sur la donnée »). ». 

Encore faut-il que les données collectées soient pertinentes et correctement annotées. L’enjeu est de pouvoir alimenter les algorithmes avec une connaissance précise du terrain, des métiers et des processus opérationnels, grâce à la combinaison de données théoriques et de données subjectives : 

– Les solutions PTV intègrent les données qui touchent à la mobilité des véhicules légers et des véhicules lourds en distinguant les deux types : « vélocité, bouchons, embouteillages, les problématiques liées aux déplacements sont souvent très différentes entre poids lourds et véhicules légers, qui ne sont pas soumis aux mêmes contraintes ». 

– Les informations qui concernent les problématiques d’accessibilité en fonction des réseaux et des données cartographiques. 

– Sont également traitées les notions de temps de service qui impactent la livraison de petits colis ou d’express en zone urbaine. Lorsqu’on doit livrer 50 à 70 colis dans une tournée, le temps de livraison n’est pas exclusivement lié à la taille du colis ou à sa nature, il y a énormément de critères qui rentrent en ligne de compte, l’endroit où je livre, l’accessibilité, etc. 

– On va retrouver des données socio-économiques : qui habitent où ? Quoi ? D’une manière générale comment se déplacent les gens et toutes les données et informations liées aux transports publics. 

L’IA intégrée dans les processus quotidiens : modélisation, planification et optimisation 

Toutes ces informations mixées et traitées par des algorithmes vont produire des modèles dynamiques simulant les déplacements des voitures, bus, camions dans les villes et zones urbaines, et permettant de définir des comportements et des attitudes. Grâce à l’intelligence artificielle, ces modèles dynamiques vont vivre et apprendre au fil de l’eau. 

Ces modèles de données vont être injectés dans des moteurs de calculs et dans des moteurs de planification : par exemple, la planification des tournées à construire pour le lendemain : « nous devons travailler avec des données qui soient certes théoriques à l’instant « t » où je construis et je planifie mes tournées, mais qui soient également complétées par une connaissance a posteriori de l’activité » 

PTV intervient ensuite dans l’optimisation et le contrôle des tournées : calcul d’itinéraires et estimation de l’heure d’arrivée (ETA). 
« On s’est rendu compte en accompagnant nos clients dans la mise en place de solutions d’optimisation que très souvent un certain nombre de notions ne pouvaient pas être transcrites d’un point de vue mathématique »Désormais, en complément des données théoriques, l’éditeur est en capacité d’intégrer les aléas de la réalité opérationnelle : cela peut être un accident sur un tronçon, un rétrécissement de voie ou des travaux installés à la va-vite le matin qui n’étaient pas prévus dans les systèmes. Il s’agit de mettre en place un certain nombre d’algorithmes qui vont informer en temps réel de l’incidence et surtout de l’impact de cette incidence sur le respect des engagements clients le respect des engagements de livraison.  

Le géocodage de l’adresse du destinataire est l’un des exemples d’intelligence artificielle appliquée au quotidien par les clients de PTV : le géocodage consiste à transformer une entrée orthographique en une position géographique. « Typiquement en fonction de ce que vous allez saisir, nos applications vont aller chercher dans un référentiel la position géographique correspondante de façon à pouvoir l’utiliser ensuite dans toute la chaîne logistique jusqu’à la livraison du client ».
La problématique posée par le géocodage d’adresses, « c’est que souvent on fonctionne avec une foultitude d’anomalies et d’erreurs de saisie qui vont être ingérées par le système d’informations ». Lorsqu’un exploitant a plusieurs centaines de milliers, voire des millions d’adressages, l’automatisation du géocodage est devenue fondamentale : « plutôt que d’avoir un opérateur qui tous les matins corrige systématiquement les mêmes erreurs, l’idée est d’avoir un système auto– apprenant, en associant un moteur de géocodage à un moteur de reconnaissance des erreurs et des anomalies ». 

 

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